Enregistrement No. 23 : 6 Juin 2184

S’élevant sur neuf étages d’environ trois mètres chacun, mon jardin est un haut cylindre de près de trente mètres de haut et d’une dizaine de mètres de diamètre. Les étages sont des plateformes circulaires de cinq mètres de larges sur lesquels sont cultivés fruits, légumes, céréales, plantes aromatiques… Autours de ces plateformes il y a des passerelles d’environ un mètre de large, à l’intérieur et à l’extérieur, pour me permettre d’aller visiter ces jardins suspendus. L’espace restant, environ deux mètres par rapport à la paroi extérieure et un cylindre de deux mètres de diamètre à l’intérieur sont des colonnes d’air qui permettre de ventiler les gaz émis par les cultures, l’air soufflé descendant par le conduit centrale pour remonter par les côtés.

Les deux étages du bas sont consacrés au potager. J’y cultive les légumes et les plantes aromatiques. Les saisons y sont simulées mais avec peu de variation afin de maintenir une culture quasi permanente. Les trois étages suivants sont consacrés aux céréales. Chaque étage crée des conditions de température et d’humidité adaptées à la céréale qui y est cultivée selon la rotation du moment, riz, blé, maïs… Les quatre derniers étages sont consacrés aux vergers. Si les étages plus bas font un peu moins de trois mètres de haut, ceux-là sont un peu plus élevé afin de permettre une meilleure croissance des arbres fruitiers. Chacun de ces quatre étages est en décalage d’une saison par rapport à l’étage supérieur ou inférieur, ce qui permet d’avoir tout le temps des fruits.

JardinFabricePerrin

Le Jardin, vu par Fabrice Perrin

J’aime bien venir me promener au milieu de ces cultures. La ventilation permanente mélangeant les parfums, j’ai vraiment l’impression d’être à la campagne, sensation olfactive que ma salle d’immersion ne sait pas reproduire… Et puis il y a aussi la notion de verticalité, ici, qui est peu présente dans le reste de l’appareil. Malgré l’apesanteur, on a vraiment l’impression qu’il y a un haut et un bas. La lumière est placée de sorte à donner une direction de croissance aux plantes, qui ont été génétiquement modifiées pour savoir faire circuler leur sève malgré l’apesanteur.

Quand je pense que, il y a un siècle et demi, la modification génétique des plantes était synonyme de maladies graves… Mais, depuis la faillite, suite à de nombreux scandales, et l’éclatement de la quasi monopolistique entreprise Hillflair, de nombreuses petites entreprises se sont engouffrées dans le créneau. Une compétition à qui ferait les produits les plus sains s’est mise en place. Il en était fini de nourrir l’humanité avec des plantes insecticides juste au prétexte qu’on en produisait plus. La qualité a commencé à remplacer la quantité. Il s’est bien posé la question de nourrir une population toujours croissante. Mais les technologies ayant rapidement permis de développer des plantes avec de bien meilleures qualités nutritives et gustatives les gens se sont tournés vers une alimentation quasi végétalienne, celle-ci permettant du même coup de récupérer des terres d’élevage pour l’agriculture. La production de protéines végétales étant des dizaines de fois plus rentable que celle de protéines animales, l’humanité s’est retrouvée avec une quantité de nourriture qu’elle n’avait jamais imaginé être capable de produire, éradiquant ainsi définitivement la notion de famine. C’est ce qu’on a appelé la révolution agricole du vingt-et-unième siècle, qui, tout comme la révolution industrielle du dix-neuvième a changé la face de la planète, a complètement modifié l’économie mondiale. Elle a fait des pays anciennement sous-développés, riches de terrains vides, le centre de la production mondiale de l’alimentation, car, grâce à ces nouvelles technologies, ils pouvaient produire des denrées saines sur des terrains autrefois abandonnés aux déserts.

Aujourd’hui, je bénéficie de plus d’un siècle de recherche sur la production de plantes hors-sol et d’un demi-siècle de production de plantes en apesanteur. Et je flotte avec plaisir au milieu de ces plantes aux parfums exceptionnels et aux goûts divins, sans parler de leurs propriétés nutritives… Ces cultures étant entièrement automatisées, je n’ai pas grand-chose d’autre à y faire que de choisir ce que je vais manger comme on choisirait dans son frigo. Je règle les paramètres des cultures pour l’adapter à ma consommation. J’ai réduit la quantité produite, car, après près de deux mois de voyage je commence à y voir plus clair sur ma consommation. Alors autant optimiser le système pour minimiser l’usure.

Je vais télécharger un bon bouquin sur ma tablette et m’installer au milieu des plantes aromatiques, thym, romarin, menthe, persil, coriandre, cerfeuil, basilique…

par Damien Allemand

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